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La fontaine du Cours Victor Hugo

Parler de cette fontaine, c’est faire resurgir une figure alleinsoise, celle de Marcel Castélas, inventeur des cheminées du même nom, constructeur du premier catamaran, dans le petit jardin au portail bleu juste en face de la mairie (quelques épisodes de sa vie sont évoqués dans l’ouvrage Mémoire d’Alleins)

Avec son esprit curieux de tout, il s’était mis en tête à plus de quatre-vingts ans de

vérifier ce qu’il avait lu dans un livre: qu’une ville gauloise était enfouie sous les terres du Sonnailler en limite des communes d’Alleins et d’Aurons. Il n’a jamais trouvé cette ville, mais les vestiges qui avaient donné lieu à cette rumeur (fragments de colonnes et débris de tuiles) existaient bien, et en 1972 il découvrait près de la ferme abandonnée de Rousset une « villa » romaine, dont il commença la fouille avec l’accord des services compétents. Faute d’autorisation, il dut arrêter ses recherches, et mourut peu après. Les « objets » archéologiques (poterie, plaques de marbre, éléments de colonnes) restèrent entassés dans des caisses ou dispersés en plusieurs endroits où ils com- mencèrent à tomber dans l’oubli.

Quelques années plus tard, fraichement installé à Alleins, et commençant une enquête archéologique sur le village, j’appris l’existence de ces caisses, dont il fut possible de récupérer une partie grâce aux informations de Jacqueline Castélas (la fille de Marcel), du Directeur de l’école Robert Fantini, et de l’ancien

Maire Louis Van Loo, passionné de l’histoire du village (et l’un des premiers adhérents de l’association des Amis du Vieil Alleins). On ne retrouva jamais les marbres, sans doute jetés à la décharge. Quant aux colonnes, on pensait qu’elles avaient subi le même sort, mais la rumeur de l’enquête faisait son chemin, et un jour l’une des assistantes maternelles (la « dame de la cantine », en langage enfant de l’époque) se présenta en déclarant : « Mais je sais où elles sont, moi, les colonnes ! Elles sont à l’école ! ». Et on les y retrouva en effet, encadrant le perron de l’ancienne cantine.

Or c’était l’époque (1984-1985) où la Mairie faisait réhabiliter le Cours Victor Hugo : ouverture de la place (enlèvement des grilles), et construction de la fontaine. La question se posait de savoir comment parachever ce monument. Louis Van Loo pensa aux éléments de colonne. Le choix était judicieux : il permettait de concilier à la fois la nécessité d’un faible encombrement et le désir de mettre en valeur un

élément significatif pour Alleins.

Le décor métallique à mi-hauteur n’avait pas de fonction décorative, mais seulement de masquer la liaison entre les deux fûts superposés.

Et c’est ainsi qu’après avoir enjolivé il y a deux mille ans une luxueuse habitation romaine, puis connu le déclin pendant des siècles en servant d’abord de soubassement à un mur de bancau, puis de rampe aux écoliers qui montaient affamés à la cantine, les colonnes de Rousset ont depuis trente ans retrouvé leur dignité en venant couronner le nouvel agencement de la place de la Mairie, baptisée ensuite, et ce n’était que justice, place Marcel Castélas.

Jean-Pierre Pillard

Président de l’association « les Amis du Vieil Alleins »

In « Vivre à Alleins » Printemps 2016

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